Devenir Bleu


de

Devenir bleu est un recueil de neuf nouvelles abordant les sujets du harcèlement, du féminicide, du viol, du suicide… Ces thèmes s’articulent autour du prisme commun de la famille, évoquant tour à tour la séparation et/ou le divorce, le rapport parents-enfants, la vie de couple.

Nathalie Burel est une écrivaine vivant à Rennes. Sa prose tenue et sensible, nous livre des textes d’une intensité rare. Connue pour son talent de nouvelliste, elle a aussi
exploré avec François Bégaudeau et Maylis de Kerangal, le monde des femmes et du sport. Chorégraphe, parolière, notamment du dernier album de Chasseur, elle explore
les questions autour des identités, du genre, l’ambivalence du masculin et du féminin. Déjà autrice aux Éditions Goater d’un roman Stella(s) et d’un livre-vinyle Comme un monstre.

Liste des nouvelles :

L’ombre de son chien
Une preuve d’amour
Lady Dy
Une envie fugace
L’enfant
Fisherman
Fils de chien
Faire couple
Devenir bleu
Des décombres

 

Extrait de l’ombre de son chien :

« Je ne suis même pas une bonne femme d’intérieur. Je ne sais pas cuisiner. J’ai reçu assez de plats sur le visage, le corsage, pour comprendre que ma cuisine pouvait être irritante. Quand il rentrait à la maison en n’étant seulement que de mauvaise humeur, mon dîner finissait simplement sur le carrelage. Il avalait une bouchée, se tournait vers moi, la recrachait dans sa serviette, me la jetait à la figure. Il prenait ensuite son assiette et avec un dégoût délicat renversait son contenu sur le sol. Les plus mauvais soirs, c’est avec la même lenteur qu’il renversait son plat sur mes cheveux.
Il en plaisante souvent devant ses amis ou sa famille. Quand nous recevons, c’est lui qui cuisine. Il excelle là aussi. Nos hôtes le complimentent, il feint très bien la modestie. Puis il ajoute que c’est vraiment parce qu’il est une âme charitable qu’il se met derrière les fourneaux. Il narre alors mes exploits culinaires les plus fameux, dit que son médecin le supplie de divorcer ou de m’inviter davantage au restaurant car son organisme ne pourra pas supporter pareil traitement bien longtemps. Il rit avec éclat, il me regarde avec une complicité amusée et amoureuse. La plupart du temps les hôtes rient de bon cœur avec lui. Il n’est pas homme qu’on laisse rire seul à ses blagues. Je souris comme une femme amusée des facéties de son merveilleux mari.
Parfois, dans ces moments-là je me rappelais douloureusement comme il me faisait rire avant. C’est douloureux un amour perdu. »

Extrait d’Une envie fugace :

À  seize heures il est entré dans notre bureau. Il s’est adressé à Madame Guibert.
«  Je pars en rendez-vous extérieur, j’emmène Alice avec moi.  »
Je me suis levée et je l’ai suivi sans un mot vers l’ascenseur.  Je ne me souviens pas d’un échange jusqu’au parking. Dans la voiture, il a mis de la musique classique, très fort. Il s’est garé dans le parking d’une résidence. Je ne sais pas exactement quand j’ai compris.
J’essaie de ne pas me souvenir de tout, d’oublier la peur, la honte et la douleur.  J’attends que ça s’apaise.
J’attends que l’envie fugace devienne plus tenace.
Le soir au dîner, ma mère a reparlé de mon prochain déménagement, elle m’a demandé si j’avais commencé à chercher quelque chose. Je me suis mise à pleurer. C’est quand elle a dit le mot appartement, tout est revenu comme un flot. J’ai vu Lescombes remettre son pantalon sans me regarder et me dire  :
«  Il faut que tu trouves un appartement rapidement, je n’ai accès à celui-ci que pendant quinze jours.»
Je me suis vue sur le lit, la jupe relevée sur le ventre, le corsage défait. Déjà j’avais voulu pleurer mais il ne m’en avait pas laissé le temps.
J’attends que l’envie fugace devienne plus tenace.

 

Photo de couverture : Élie Jorand

 

Les premières nouvelles en PDF ci-après.

 

Prix: 14€ €


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